Il était une fois, il y a fort longtemps, l'histoire d'une femme qui s'appelle Marguerite.
Elle entre dans le cabinet avec un large sourire, elle est un peu tendue, elle a mal depuis qu'elle a eu, jadis, un grave accident de voiture. Contusion, hématome, fractures, traumatisme crânien, elle a dû mettre du temps à se relever. Aujourd'hui elle marche normalement, elle a des enfants et travaille, mais elle souffre quotidiennement de raideurs et de douleurs partout.
Comme d'habitude, je commence par une "écoute" debout. Cela signifie que je pose légèrement les mains sur les différentes parties de son corps à la recherche d'informations. Je suis surpris de constater combien son corps se souvient: la tête part immédiatement vers la D entraînant le tronc avec lui . Le bassin semble plus lourd et à D qu'à G, comme si les liquides qu'il contient étaient retenus à D. La situation m'est familière, je reconnais là l'impact de l'accident: le bassins fixé au siège, la force s'appliquant transversalement de la D vers la G, les liquides sont entraînés vers la D au bassin, et le tronc est entraîné vers la D en inclinaison.
Suivant les principes de l'ostéopathie, je me propose des corriger ce dysfonctionnement dans le liquide. Je ne suis pas à mon aise. J'ai étudié ce genre de manifestations à l'école et en séminaire. Notamment pour le travail des nourrisson. Là le nourrisson fait plus de 10 fois le poids habituel... et si Marguerite est une femme menue je crains quand même que suivre le déroulé fascial de son corps entier ne me pose problème. Et puis quelle chance ai-je de rencontrer une amélioration 20 ans avec de légères pressions du plat de la main ? Je rie avec elle en partageant les difficultés que j'entrevoie.
Il y a un vrai challenge, pour son confort au quotidien, mais aussi pour approfondir mon expérience de l'ostéopathie. Je marche sur le chemin tracé par mes aînés chaque jour. C'est chaque fois un acte de foi dans l'ostéopathie d'appliquer la méthode pour éveiller les forces de guérison du corps, et quand la situation parait sans issue évidente, de faire confiance en l'homéostasie.
C'est un émerveillement à chaque fois d'être le spectateur de la vie se met à circuler à nouveau dans le corps des gens.
Pour Marguerite je suis le fil proposé par son corps et je la traite comme je le fais avec les nourrissons. Je recherche la posture d'équilibre des tensions, je perçois les liquides dans le bassin à D, j'ajuste encore et encore les paramètres d'inclinaison / rotation / flexion / extension, je pousse délicatement de l'autre côté, je sens son corps se gonfler légèrement sur le côté G, une respiration. Et petit à petit le souffle se fait plus ample, la rotation de buste plus marquée; on a dû gagner 15 ou 20° de chaque côté sans forcer.
Marguerite se sent légère. Je suis heureux, du spectacle de la vie qui coule, et je suis pensif à l'idée que cette fois, je n'ai pas appliqué de force, ni pas manipulé d'articulation.
Un jour un de mes maîtres, Jean-Pierre Barral a dis pendant un séminaire: "J'ai mis beaucoup de temps avant de comprendre que Force= Résultat était une connerie"
C'est vrai...il m'a fallu du temps pour le comprendre; il n'avait pas dit combien c'était beau de proposer du soin dans cette harmonie.
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